-
La Renaissance voit naître les premières formes de codification de l'architecture. Les traités se multiplient et, grâce à l'imprimerie, se diffusent assez largement et avec une ampleur sans précédent.
Au Moyen-Âge, on établit des recueils mais une bonne part de l’art de bâtir échappe définitivement à l’enregistrement. On ne formalise pas la pratique de la construction et le savoir reste au sein des corporations.
La promotion du traité est liée à plusieurs facteurs : un réel souci de diffusion du savoir, l’auteur du traité porte alors le titre d’architecte qui le distingue du maître maçon, simple praticien. Grâce à ce titre, les idées peuvent circuler indépendamment de l’architecte lui-même, qui n’est plus l’esclave de son chantier. Enfin, le titre d’architecte ouvre à l’auteur du traité un autre champ de la connaissance, celui de l’érudition.
Traités du XVIe siècle
-
La transmission des savoir-faire qui se fait pendant tout le Moyen-Age au sein des corporations se formalise dans tous les ouvrages de la Renaissance qui mettent en forme la théorie de l'architecture.
Albrecht Dürer (1471-1528) dessinateur, graveur et peintre allemand est connu comme théoricien de la géométrie et de la perspective linéaire. Son Etliche underricht zu befestigung der Stett, Schlosz und Flecken [1527] est extrêmement important.
Il s'agit du premier livre où sont appliquées les nouvelles théories de la géométrie à l'art des fortifications. Premier livre du genre publié en allemand. Dürer s'appuie beaucoup sur la littérature italienne, mais il s'agit de la première véritable synthèse sur un sujet qui va préoccuper les architectes militaires jusqu'au XIXè siècle.
Philibert Delorme (1514-1570) publie un premier voyage Les Nouvelles inventions pour bien bastir et a petits frais en 1561. L'architecte traite ici de l'utilisation du bois. Il tente de présenter de manière originale une technique nouvelle consistant à remplacer poutres et solives par des assemblages de petites pièces de bois réunies dans des structures portantes comme les toitures ou les planchers, à la manière des pierres dans une voûte.
Cette invention permet de pallier la rareté des grands arbres, dégager les combles, faciliter l'entretien puisqu'il est moins coûteux de remplacer un petit élément défaillant que de refaire une toiture et prolonge ainsi la longévité de l'édifice. L'intérêt de cet ouvrage en fait le premier véritable traité technique publié à la Renaissance.
Traités du XVIIe siècle
-
Avant le XVIIIe siècle, la plupart des auteurs de traités d'architecture sont des architectes ou des hommes exerçant une profession voisine comme les ingénieurs. C'est le métier d'architecte qui se développe véritablement à cette époque.
Jacques Perret (1540-1619). Le travail de Jacques Perret dans son Des fortifications et artifices, architecture et perspective [1601] présente une iconographie des villes idéales où tous les ouvrages sont répétés à l'identique. La systémisation de fortifications régulières et d'ouvrages d'architecture en série s'inspire à la foi de traités militaires du XVIè siècle et des programmes urbains royaux du règne d'Henri IV. La ville de Perret comme toutes les villes est soumise à la poussée démographique qui fait monter les maisons. La "Tour Perret" est donc une cité en hauteur, un gratte-ciel qui paraît conçu pour le Chicago des années 20. Ce traité est une œuvre à part par la qualité picturale de ses perspectives et par la régularité des villes fortifiées.
Claude Perrault (1613-1688), se voit confier par JB Colbert, ministre de Louis XIV, la traduction du Vitruve (premier traité d'architecture rédigé au 1er s. avant J.-C.). Les Dix livres d'architecture de Vitruve, corrigez et traduits nouvellement en françois avec des notes et des figures paru en 1673 est abondamment illustré. La fortune de l'ouvrage de Perrault est immense et cette traduction sera traduite dans presque toutes les langues européennes. Le Vitruve de Perrault aura un vif succès et joue un rôle certain dans le retour au néoclassicisme en France.
Traités du XVIIIe siècle
-
Giovanni Battista Piranesi dit Piranèse (1720-1778) est un graveur et architecte italien. Il voue un véritable culte à Rome qui domine ses pensées et sa vie. Dans ses planches du Lapides Capitolini sive fasti consulares triumphalesque Romanorum de 1761, l'architecte-graveur parvient à sublimer l'Antiquité. En isolant et en amplifiant les éléments architecturaux, il ajoute à ses œuvres une dimension dramatique. Conceptions architecturales monumentales voire démesurées, imagination débridée et innovante, utilisation unique du contraste ombres - lumières révèlent son intérêt et son goût pour l'architecture pure. Les effets puissants de ces planches ne sont obtenus qu'après avoir observé de près, de loin et à toutes les heures, sur nature, les éléments architecturaux.
Mort à 58 ans, il a dit à un de ses élèves : "J'ai besoin de produire de grandes idées et je crois que si l'on m'ordonnait les plans d'un nouvel univers, j'aurais la folie d'entreprendre "
Antoine Desgodets (1653-1728), professeur à l'Académie royale d'architecture de 1719 à 1728 est passé à la postérité pour son ouvrage d'archéologie intitulé Les édifices antiques de Rome dessinés et mesurés très exactement publié pour la première fois en 1682. Notre exemplaire est une réédition de 1779.L'édition contient 138 planches de plans, coupes et détails de vingt-cinq monuments antiques de Rome. Desgodets s'attache à une représentation objective des ruines telles qu'elles se présentent alors au visiteur avec réalisme.Ce traité devient une référence jusqu'au XIXè. Par son attention à la précision des mesures, le livre constitue après 1750, un modèle pour les publications des expéditions archéologiques.
Traités XIXe siècle
-
Les bibliothèques sont assez pauvres en traités du XIXe siècle.
Le traité de Jean-Nicolas-Louis Durand (1760-1834) est un des rares traités de cette époque conservé à Compiègne. Dans le premier volume de son Précis des leçons d'architecture données à l'Ecole polytechnique paru entre 1802 et 1805, l'auteur étudie les "éléments des édifices, tels que les soutiens engagés et isolés, les murs et ouvertures que l'on y pratique, les fondemens, les planchers, les voûtes, les combles et les terrasses ...". Dans une seconde partie, il entreprend de combiner tous ces éléments entre eux pour former les différentes parties des édifices. Il nous montre toutes les combinaisons possibles de portiques, de porches, de vestibules, d'escaliers tant au dehors qu'au dedans.
A l'origine d'une rationalisation de l'enseignement de l'architecture, son traité est le manifeste de l'introduction du rationalisme dans l'architecture. La très large diffusion de ses publications qui bénéficient, en tant que livres scolaires, d'un tirage exceptionnellement fort pour le début du XIXè, a contribué à répandre ses idées, d'autant plus que la moitié du XIXè est relativement pauvre en ouvrages théoriques et pédagogiques généraux consacrés à la discipline en général.